Retour vers le futur du règlement en ligne des différends

Au moment auquel je m’assois pour rédiger ce billet, il ne reste que six heures (incluant les « pauses de discussion ») au groupe de travail III de la CNUDCI pour terminer la rédaction de sa Note technique sur le règlement des litiges en ligne (la « Note »). En effet, la 33e session de travail se clôturera dans deux jours et, historiquement, la dernière journée est réservée aux questions procédurales (validation des procès-verbaux, etc.).

Bref, six petites heures nous séparent d’un document qui, quoiqu’il arrive, devra être considéré comme étant la vision finale du groupe de travail quant au futur de la résolution en ligne des différends; un futur qui, finalement, s’avèrera – sous réserve de modifications importantes de dernière minute – assez passéiste.

En effet, tel que nous l’avons précisé dans un billet précédent, le règlement en ligne des différends est présenté dans cette Note comme étant indissociable du mécanisme proposé par la plateforme ECODIR développée par le Centre de recherche en droit public en 2001 pour résoudre les conflits de cyberconsommation : une négociation assistée qui, en cas d’échec, se transforme en processus de médiation par un tiers neutre (la version anglaise de la Note utilise l’expression « facilitated settlement »). Advenant l’échec de la médiation, les prestataires de services de règlement en ligne des différends sont invités à offrir une « troisième et dernière étape » (arbitrage, décision judiciaire, etc.). Si un tel mécanisme ou processus de règlement en ligne des différends demeure pertinent – c’est notamment celui adopté par le Civil Resolution Tribunal britanno-colombien – force est d’admettre qu’il n’est pas très novateur. Au risque de nous répéter, il était déjà utilisé il y a de cela près de vingt ans par diverses plateformes de règlement en ligne des différends, dont celles développées par les chercheurs du CRDP, principalement mon collègue Karim Benyekhlef, lequel allait plus tard fonder le Laboratoire de cyberjustice.

Ainsi, en se référant uniquement à ce mécanisme, la Note présente une vision pour le moins classique du règlement en ligne des différends, ignorant de ce fait les mécanismes les plus utilisés tels les systèmes de rétrofacturation ou, encore, les principes émergents de justice computationnelle.

Les travaux de la journée du 3 mars ont d’ailleurs démontré cette vision un peu passéiste du groupe de travail; le principal point de discussion ayant été celui d’identifier s’il était pertinent d’inclure, en introduction, une liste non exhaustive de mécanismes de règlement en ligne des différends. Si la majorité s’est avérée favorable à l’inclusion de cette liste, l’énumération présentement proposée laisse à désirer : conciliation, médiation, arbitrage, ombudsman, bureau des plaintes, etc. En effet, elle semble peu novatrice notamment lorsque comparée à la liste proposée il y a de cela déjà douze ans par Thomas Schultz dans son article « Does Online Dispute Resolution Need Governmental Intervention? The Case for Architectures of Control and Trust » :

« blind bidding, automated negotiation, automated settlement systems, assisted negotiation, mediation, online consumer advocacy and complaint, complaint assistance, software-based or automated mediation, facilitative mediation, conciliation, consumer schemes, consumer complaint boards, ombudsmen, med-arb for consumers, jury proceedings, arbitration, non-binding evaluation, non-binding arbitration, automated arbitration, mock trials, and credit-card charge backs. »

En 2001, Ethan Katsh définissait le règlement en ligne des différends comme la simple transposition sur Internet des mécanismes de modes amiables de règlement des différends. Si la communauté juridique intéressée à la cyberjustice a, depuis, fait évoluer cette définition pour y associer toute forme d’utilisation des technologies de l’information et des communications afin de faciliter la résolution de conflits, l’énumération proposée démontre que le groupe de travail, lui, semble être demeuré en 2001. Certaines délégations, dont la délégation canadienne, ont souligné cet anachronisme et proposent de « moderniser » la liste des types de mécanismes de règlement en ligne des différends. Reste à voir s’ils recevront l’appui d’un groupe de travail qui, pressé par le temps, semble préférer le dépôt d’un texte imparfait que d’un texte incomplet.

Ce contenu a été mis à jour le 26 avril 2016 à 12 h 02 min.

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