Jour 3 des travaux du GTIII de la CNUDCI : Vous dites compromis ?

La troisième journée des travaux du Groupe de travail III de la CNUDCI est maintenant chose du passé et, sans vouloir entrer dans les détails, il nous semble difficile d’envisager que ceux-ci se clôtureront par un projet de règles utiles pour le commerce électronique en général et les prestataires d’outils de règlement en ligne des litiges en particulier.

Le Laboratoire de cyberjustice, comme plusieurs des participants présents, ne croit pas qu’il soit réaliste de procéder avec l’approche à deux voies présentement envisagée, mais toute tentative de réunir les deux approches semble vouée à l’échec vu les positions diamétralement opposées présentement défendues pas les différentes délégations.

Pour rappel, voici ce que prévoient les documents officiels de la CNUDCI quant à ces deux voies :

« 13. Au début de la vingt-sixième session du Groupe de travail, il a été proposé que celui-ci s’interrompe et tienne des consultations informelles pour tenter de s’accorder sur certaines questions clefs concernant lesquelles les avis, a-t-on dit, étaient partagés en son sein. Il a été largement convenu que de telles consultations pourraient être productives en ce qu’elles feraient progresser l’examen général du Règlement.
14. L’après-midi du premier jour de la session, une délégation a brièvement rendu compte de l’avancement des consultations informelles au nom de ceux qui y avaient participé. Il a été dit que pour l’essentiel deux points de vue avaient été exprimés: i) celui des pays dont les lois disposaient que les conventions d’arbitrage conclues avant la naissance du litige neliaient pas les consommateurs, et ii) celui des pays n’ayant pas de telles lois. Il a été dit que la présence d’une phase d’arbitrage dans le Règlement pourrait poser problème dans les pays où de telles conventions n’étaient pas considérées comme contraignantes.
15. Pour surmonter cette difficulté, il a été suggéré d’envisager un système de résolution des litiges en ligne “à deux voies”, l’une comprenant les phases de négociation, de médiation et d’arbitrage et l’autre sans phase d’arbitrage. Il a été dit que cela pourrait se faire en élaborant des clauses ou dispositions en vertu desquelles les parties à une opération pourraient convenir d’utiliser le Règlement sur la résolution des litiges en ligne et d’autres clauses prévoyant l’application d’une autre “voie”. Il a été dit qu’il existait un consensus sur la nécessité d’une certaine souplesse dans le Règlement, permettant (notamment) une telle solution à deux voies. »

Pour le consommateur, la problématique de l’approche des deux voies réside dans l’identification de la voie qui lui est applicable. Comment un consommateur québécois peut-il deviner que l’article 11.1 la Loi sur la protection du consommateur ne permet pas l’incorporation de clauses compromissoires parfaites dans les contrats de consommation (donc la voie 1) ?

Le système à deux voies nécessite ainsi la création d’une liste exhaustive explicitant la légalité de l’une ou l’autre des voies dans une juridiction donnée*. Évidemment, la création d’une telle liste entraîne de nombreuses questions quant à qui en assumerait la responsabilité. Une chose est certaine, le consommateur – s’il est québécois – devra être clairement informé du fait que la voie 1 n’est pas valide en vertu du droit en vigueur :

« 19.1. Une stipulation qui est inapplicable au Québec en vertu d’une disposition de la présente loi ou d’un règlement qui l’interdit doit être immédiatement précédée, de manière évidente et explicite, d’une mention à ce sujet. »

Dans notre premier blogue de la semaine, nous avons proposé la clause compromissoire « imparfaite » comme solution permettant d’unir les deux voies en une seule et, ainsi, de régler la problématique liée à la création d’une liste. Il semble malheureusement que cette proposition soit contraire à une certaine jurisprudence, notamment aux États-Unis. En effet, les clauses compromissoires « imparfaites » ont été jugées comme étant inéquitables et donc inapplicables dans certaines juridictions. Notons toutefois que les causes répertoriées citant cette iniquité visent des situations où la partie forte à un contrat d’adhésion (en l’occurrence le commerçant) se réserve le droit de choisir le tribunal, alors que la partie faible (en l’occurrence le consommateur) est liée par une clause d’arbitrage. Ceci ne serait toutefois pas le cas ici puisque ce serait plutôt la partie faible qui bénéficierait de la clause imparfaite. De plus, le commerçant ne serait techniquement pas obligé de se soumettre à l’arbitrage dans tous les cas, mais bien d’accepter de s’y soumettre si le consommateur le requiert. Bref, tout reposerait dans la rédaction de la clause.

De nouvelles propositions de rapprochement ayant été présentées en début de semaine, rien n’est encore perdu. Peut-être que les délégations accepteront de mettre de l’eau dans leur vin et de migrer vers une position plus englobante. Malheureusement, il ne s’agit pas seulement d’une opposition de principe… Comment rédiger un texte unificateur lorsque les lois de certains états prohibent les clauses compromissoires parfaites, alors que d’autres semblent interdire les clauses compromissoires « imparfaites » ? Il ne resterait donc que le compromis, solution imparfaite s’il en est et, ironiquement, solution qui ne serait envisageable qu’après d’énormes compromis…

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* Le Laboratoire de cyberjustice travaille présentement à la création d’une telle liste, laquelle sera mise en ligne sur le site http://www.laboratoiredecyberjustice.org/ d’ici quelques semaines.

Ce contenu a été mis à jour le 26 novembre 2014 à 15 h 45 min.

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