La 30e session du Groupe de travail III de la CNUDCI : un souque à la corde sur fond de règlement en ligne des litiges

Hier matin débutait la 30e session du Groupe de travail III de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), lequel groupe de travail oeuvre, depuis la 22e session, à la rédaction de documents relatifs au règlement en ligne des litiges. Pour le CRDP et le Laboratoire de cyberjustice, il s’agit d’un retour après deux ans d’absence aux sessions d’automne du GTIII (notre dernière participation remontait à 2011). Pourquoi une si longue absence ? D’abord pour des raisons financières – les coupures effectuées par les différents organismes subventionnaires ont imposé une certaine rationalisation des activités de rayonnement – ensuite, parce qu’un séjour d’une semaine à Vienne – lieu des discussions – est difficilement envisageable lorsque l’on enseigne. La principale cause de notre absence se résumait toutefois à un pressentiment de plus en plus présent que les travaux n’allaient mener nulle part vu les positions campées des différentes délégations.

Ceci étant, la présente session s’annonçait différente des précédentes, notamment grâce à des directives claires adressées au groupe de travail par la CNUDCI. La Commission a défini ainsi les éléments que doivent traiter les délégués durant les cinq prochains jours :

a) Le Groupe de travail devrait examiner la manière dont le projet de Règlement répond aux besoins des pays en développement et de ceux en situation d’après-conflit, notamment en ce qui concerne la nécessité d’une phase d’arbitrage dans le processus, et en rendre compte à une future session de la Commission;
b) Le Groupe de travail devrait continuer d’inclure dans ses délibérations les effets de la résolution des litiges en ligne sur la protection des consommateurs dans les pays en développement, développés et en situation d’après-conflit, notamment dans les cas où le consommateur est la partie défenderesse dans un processus de résolution de litiges en ligne;
c) Le Groupe de travail devrait continuer d’étudier divers moyens de faire en sorte que le résultat du processus de résolution des litiges en ligne soit effectivement mis en œuvre, y compris l’arbitrage et d’autres solutions pouvant en tenir lieu;
d) Le mandat du Groupe de travail concernant la résolution des litiges en ligne dans le cas d’un grand nombre d’opérations électroniques internationales portant sur de faibles montants a été réaffirmé, et le Groupe de travail a été encouragé à poursuivre ses travaux le plus efficacement possible.

Après une seule journée de discussions, il est trop tôt pour se prononcer sur les chances de succès du groupe de travail de remplir ce mandat. Force est toutefois d’admettre que l’opposition idéologique qui occupait les débats en 2011 semble toujours aussi présente.

En effet, deux visions du règlement en ligne des litiges s’opposent : D’une part, certains pays préconisent l’adoption de règles prévoyant l’inclusion d’une clause compromissoire parfaite dans les contrats d’achat en ligne. D’autre part, les pays où de telles clauses sont simplement interdites préconisent plutôt une approche se limitant à un processus de « négo-med ».

Un compromis entre les deux approches semblait avoir été atteint durant les dernières séances : un processus de règlement des litiges à deux voies où les consommateurs issus de pays où les clauses compromissoires parfaites sont autorisées s’engageraient, advenant l’échec de la négociation et de la médiation en ligne, dans un processus d’arbitrage contraignant pouvant être reconnu via la Convention de New-York, alors que les citoyens de pays où de telles clauses sont interdites dans le contexte de contrats de consommation pourraient choisir de ne pas poursuivre au-delà de la médiation. Malheureusement, ce compromis semble chancelant.

En effet. Dans la mesure où les litiges visés par le projet de règlement sont qualifiés de litiges de « faible valeur » (une qualification qui nous semble inappropriée), l’idée qu’un consommateur puisse invoquer la Convention de New York pour faire reconnaître une sentence arbitrale semble peu réaliste. Lorsque l’on sait qu’une telle reconnaissance peut coûter des milliers de dollars, alors que, selon une étude menée par le CEFRIO, le québécois moyen dépense environ 335$ par mois sur Internet, l’on peut en effet se questionner sur la pertinence de tenir à imposer un tel modèle.

Ainsi, la voie 1 (arbitrage) semble mener vers un mur. De plus, force est d’admettre qu’un système à deux voies implique la tenue et la mise à jour régulière d’une liste d’États où les clauses compromissoires sont interdites, une tâche que peu de prestataires de services voudront assumer.

Les travaux se poursuivront ce matin, dès 9h. Nous verrons donc si le compromis pourra être sauvé, d’autant plus que, comme nous le verrons dans notre prochain blogue, les arguments soulevés de part et d’autre pour justifier la présence des deux voies ne sont pas les plus convaincants…

Ce contenu a été mis à jour le 26 novembre 2014 à 15 h 45 min.

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